Vélo en libre-service : un nouveau service déjà désuet ?

par Robert FOURET

Tous les lecteurs attentifs de l’actualité savent déjà que Saint-Malo Agglomération a prévu de déployer une nouvelle offre de vélos électriques en libre service à partir de mai 2024.

Cela a été annoncé à grand renfort de communication lors des vœux 2024. L’information avait aussi été relayée par Ouest-France et le Pays Malouin.

Un nouveau service par Saint-Malo Agglomération

Il y aura 120 vélos électriques répartis dans 20 stations. Les vélos seront disponibles 24h/24 et 7j/7. Ils pourront être loués par toute personne âgée de 14 ans et plus.

Le tarif au lancement sera de 1€35 pour 30 minutes puis 0,1€ la minute supplémentaire. L’objectif de l’agglomération est donc de favoriser la location de courte durée en incitant les usagers à faire des trajets de 30 minutes et moins.

Carte des stations de location (crédit : SMA)

L’analyse de À Vélo Malo

A qui s’adresse ce nouveau service ? Est-ce une bonne idée ? Est-ce la priorité pour notre agglomération ? Est-ce utile ? Est-ce bien conçu ?

Côté positif, nous ne pouvons que nous féliciter que l’Agglomération se saisisse du vélo. Le vélo répond à de nombreux enjeux importants comme la lutte contre le réchauffement climatique mais aussi une demande croissante de la part des habitants et des visiteurs.

Réjouissons-nous également que l’Agglomération et la mairie communiquent sur le sujet. Nous ne serons jamais assez nombreux pour parler du vélo.

Un budget conséquent

Le déploiement de ce nouveau service requiert un investissement de 460 000 € puis un coût annuel de 220 000 €. L’agglomération s’est engagée pour un contrat de 5 ans avec la société Fifteen soit un budget minimum de 1,5 m€. L’agglomération a déjà averti que les recettes ne couvriraient pas les dépenses de fonctionnement.

Si ce service répond à une véritable demande des habitants, alors pourquoi pas. Mais comme nous allons le voir, l’offre n’est ni une priorité ni ne répond à un besoin local.

Pour un budget plus modique, une meilleure offre, accessible à l’ensemble des habitants de l’agglomération aurait pu être proposée, à savoir une location longue durée de vélo à un tarif subventionné.

Un service qui n’est pas la priorité

Rappelons déjà que les 2 principaux freins à l’utilisation du vélo sont :

  1. L’absence d’infrastructure sécurisée
  2. Un réseau cyclable incomplet (impossibilité d’aller là où on le souhaite)

Ce nouveau service ne répond donc pas aux 2 principaux freins qui empêchent le vélo de se développer.

Un service pour les touristes

Les personnes qui n’osent pas, aujourd’hui, faire du vélo, n’oseront toujours pas quand bien même des vélos seraient en libre-service. Et les personnes qui pédalent déjà ont déjà un vélo et continueront de pédaler.

Ce service s’adresse donc uniquement aux personnes n’ayant pas de vélo et qui osent pédaler dans les conditions actuelles. Il s’agit donc essentiellement des touristes. Certes, certains habitants l’utiliseront de façon opportuniste (par exemple, un cycliste en attente de la réparation de son vélo).

L’Agglomération l’a d’ailleurs très bien compris et anticipé : toutes les stations se situent à Saint-Malo car Saint-Malo, malheureusement, concentre tous les touristes de l’Agglomération (quelques-uns vont tout de même à Cancale et la pointe du Grouin).

Un service qui contribue aux inégalités territoriales

Toutes les stations seront donc situées à Saint-Malo alors que c’est un service de l’Agglomération.

On se demande donc pourquoi Cancale, Miniac et toutes les autres communes financent un service 100% malouin?

Pire, ce service va contribuer à davantage concentrer les touristes au même endroit en augmentant l’attractivité malouine alors qu’il serait préférable d’avoir une meilleure répartition à l’échelle de notre territoire.

Une autre hypothèse pour expliquer l’absence de stations en dehors de Saint-Malo est évidemment l’absence d’infrastructures protégées qui permettraient aux cyclistes de se déplacer dans l’Agglomération.

Un service conçu sans concertation

Conformément à la loi LOM, SMA est tenue d’organiser un comité des partenaires pour organiser les transports. SMA a préféré organiser un nouveau comité Théodule plutôt que de réunir l’ensemble des acteurs de la mobilité pour dessiner ensemble une offre pertinente pour tous les habitants de l’agglomération.

Il est regrettable que l’Agglomération continue de fonctionner en vase clos et se prive en dépit du bon sens de l’expertise de ses habitants.

Ce nouveau service a donc été pensé par Saint-Malo Agglomération sans aucune consultation des usagers. S’il est normal que l’Agglomération pilote le projet et prenne les décisions, elle pourrait améliorer son offre en organisant de vraies consultations et non des réunions d’information.

À Vélo Malo a cependant fait des recommandations qui malheureusement n’ont pas été prises en compte. Par exemple, il est possible de limiter l’assistance électrique en fonction de la géolocalisation du vélo. SMA aurait ainsi pu limiter l’assistance électrique sur la digue du Sillon (les vélos doivent y rouler au pas).

L’Asprezica (l’association des entreprises de Saint-Malo) a également déploré une mauvaise répartition des stations qui ne bénéficieront pas aux travailleurs malouins car mal situées sur le territoire en dépit des taxes élevées payées pour le transport.

Absence de prise en compte des retours d’expérience d’autres villes

L’Agglomération aurait aussi pu prendre en compte le retour d’expérience d’autres agglomérations. En Septembre 2023, Ouest-France nous informait déjà de la volonté de Vannes d’arrêter leur offre de vélo en libre-service. Est-ce que SMA a appris de l’échec de ce service à Vannes?

À Vélo Malo proposait de mettre en place une offre de location longue durée

Notons que Vannes remplace son offre de vélo en libre-service par une offre de location longue durée… ce qui est exactement ce que À Vélo Malo n’a cessé de proposer à SMA.

A Velo Malo propose de mettre en place une offre de location longue durée pour de multiples raisons :

  • Une offre qui s’adresse à tous les habitants de l’agglomération et non aux seuls Malouins
  • Une offre beaucoup moins coûteuse (aucune station à construire, aucun entretien, aucune régulation du nombre de vélos entre les stations, beaucoup moins de dégradations et de vols)
  • Une offre beaucoup plus rapide à mettre en place : il suffit d’acheter des vélos et de les louer … ce qui aurait pu être fait via les loueurs de vélos existants
  • Un bilan carbone bien meilleur (la régulation du nombre de vélos dans chaque station se fera par camion)
  • L’offre en libre-service va cannibaliser l’offre des loueurs de vélos quand la location longue durée aurait pu les aider à développer leur activité
  • Une possibilité de tester des vélos spéciaux avant d’éventuellement les acheter (vélos cargos, vélos électriques, etc.)
  • Une offre qui s’adresse prioritairement aux habitants et non aux touristes (a-t-on besoin de subventionner les loisirs des touristes alors que chaque été voit battre son record de fréquentation ?)

Une offre de location longue durée est surtout la meilleure solution pour faire changer durablement les comportements et inciter à la transition de la voiture vers le vélo.

Un service au détriment des piétons

Comme nous le craignions et malgré nos avertissements, les stations vont empiéter sur les trottoirs.

La circulation piétonne à Saint-Malo est déjà suffisamment compliquée sans avoir besoin de mentionner la mobilité des poussettes ou des chaises roulantes. Et cette circulation va se dégrader.

Exemple 1 : Y aura t’il la place pour un piéton place Bouvet? À Vélo Malo avait proposé d’utiliser une place de parking de la mairie annexe à 20 mètres au lieu de sacrifier la circulation piétonne.

Place Bouvet : La station et les vélos en libre-service vont empiéter sur tout le trottoir

Exemple 2 : Le seul banc public sur la place du Maréchal Leclerc a été supprimé au profit d’une station. La station aurait pu être installée 10 mètres plus loin sans gêner ni les voitures, ni les piétons, ni supprimer le banc.

Place du maréchal Leclerc : le seul banc de cette place a été supprimé pour installer la station

La mairie de Saint-Malo reproduit encore et toujours les mêmes erreurs : la nouvelle piste cyclable rue de Triquerville a aussi été conçue en partageant le trottoir entre piétons et vélos.

La mairie crée des conflits d’usage qui ne vont malheureusement pas aider à apaiser la circulation en ville ni contribuer à organiser la transition de la voiture vers les mobilités actives.

A Velo Malo n’est guère enthousiaste

En conclusion, À Vélo Malo est plus que mitigé sur ce nouveau service.

Nous pensons que cette offre n’est pas la priorité pour le territoire du pays de Saint-Malo. Enquête après enquête, la priorité reste le développement d’infrastructures sécurisées et sans conflit d’usage.

Ce budget aurait pu être mieux utilisé pour par exemple construire une piste cyclable sécurisée entre Saint-Malo et Cancale. Cela répondrait à la demande des habitants (notamment les vélotaffeurs) et des touristes. Cela constituerait un vrai projet structurant à l’échelle de l’agglomération et contribuerait au développement économique.

Le développement d’infrastructures sécurisées est le meilleur levier pour accompagner l’essor du vélo.

Enfin, À Vélo Malo regrette l’absence d’écoute lors de la construction du projet. A défaut d’enthousiasme, À Vélo Malo aurait néanmoins pu contribuer à l’amélioration de ce service voulu par l’Agglomération. À Vélo Malo demande donc à l’Agglomération de reconsidérer sa position et d’inviter prestement AVM au comité des partenaires pour mieux répondre au défi de la mobilité sur le territoire du pays de Saint-Malo.

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